Emmanuelle, toujours en phase avec son temps
Je n'ai pas connu le phénomène provoqué par le film Emmanuelle lors de sa sortie en 1974. Et pour cause, j'allais venir au monde 12 ans plus tard. J'ai malgré tout grandi avec ce film qui faisait figure d'objet interdit, et dont le contenu m'apparaissait comme transgressif. J'étais parfois témoin de petites phrases ou remarques que pouvait adresser ma mère à mon père, lequel était visiblement marqué par son visionnage de l'objet interdit. Il s’agissait d’une VHS cachée quelque part dans la maison que je n’ai jamais trouvée (j'ai connu plus de succès avec les cadeaux d'anniversaire ou de Noël). Je n'ai donc jamais vu le Emmanuelle de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel, et je n'ai aucune idée de ce qu'est advenu l'objet interdit.
En l’absence d’Internet à l’époque, il était difficile, voire impossible, de me renseigner sur le contenu. Tout au plus savais-je qu'il était question de femmes nues et donc d'un film pour adulte, ce qui le rendait encore plus désirable à l'aube de ma puberté.
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Le temps est passé, et j'ai laissé Emmanuelle de côté. Jusqu'à la sortie d'une nouvelle version, que je suis allé voir avec le peu d'informations que je décrivais ci-dessus. Pour être honnête, je suis sorti circonspect de la projection. Un film au rythme lent, qui s'attarde sur les formes, les visages, parfois les environnements. Des scènes de nudité moins nombreuses que ce à quoi je m'attendais, mais filmées avec délicatesse, des moments suggestifs très intenses, le tout dans un huis-clos inattendu pour ma part. C'est donc ça l'effet Emmanuelle en 2024 ?
Pour mesurer le chemin parcouru et comprendre d'où l'on vient, j'ai commencé à chercher des informations sur le film original et son impact sur la société lors de sa sortie en 1974. Au-delà de sa plastique et de ses scènes érotiques, Emmanuelle s'inscrivait avant tout dans la dynamique que vivait la société d'alors : révolution des mœurs et surtout libération sexuelle bouleversent l'Occident, et le film de Just Jaeckin touchait en plein cœur ce changement durable. Emmanuelle était, et reste, le nom et le visage de cette révolution.
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Cela m'a permis de mieux comprendre la démarche d'Audrey Diwan après coup. Qu'en est-il de la société aujourd'hui ? Hypersexualisée, elle est en poursuite permanente de la perfection au point parfois d'oublier le plaisir, pur et sans calculs. Voilà ce que nous montre Emmanuelle en 2024 : la recherche d'une jouissance perdue, la quête d'un lâcher-prise et la réappropriation par les femmes de leur propre plaisir.
Sébastien
Responsable de la communication