Auteur de Duelles, Adoration ou encore Alleluia, Fabrice Du Welz revient sur le grand écran avec Maldoror, un film librement inspiré par l'affaire Dutroux. La ville de Charleroi étant considérée comme un personnage à part entière dans le récit, elle a été notre fil rouge pour mener cette rencontre avec le réalisateur bruxellois.

Illu vignette Rencontre

Vous devez accepter les cookies fonctionnels pour regarder cette vidéo. Changer les paramètres

- Fabrice Du Welz, bonsoir !

- Salut !

- Vous venez présenter Maldoror au Quai10, votre nouveau film qui sort ce 22 janvier dans toutes les salles en Belgique. C'est un film qui s'inspire librement de l'affaire Dutroux. Vous qui avez déjà présenté ce film à des carolos, comment a-t-il été accueilli ?

- Plutôt bien. Mais j'étais très stressé. J'étais accompagné de mes deux acteurs donc Alba Gaia Bellugi et Anthony Bajon et on était très anxieux pour la réception du film. L'enjeu était important pour nous parce qu'on a tourné à Charleroi, on a essayé d'incorporer la population de Charleroi dans le corps du film. Et on a beaucoup filmé Charleroi, c'est pratiquement l'un des personnages principaux du film en fait. Mais donc tout s'est bien passé. J'ai senti beaucoup d'émotion et beaucoup de compréhension pour ce que nous avons voulu faire.

- On parle de Charleroi plus particulièrement ici mais quid des retours, de façon globale, en Belgique ?  Est-ce qu'ils sont différents de la France par exemple ou là, la réception est plutôt bonne ?

- Oui, mais forcément en Belgique c'est un sujet hautement inflammable et hautement émotionnel, et c'est bien normal ! Mais je pense pouvoir dire en tout cas, maintenant que nous sommes en fin de tournée des avant-premières et de nombreuses présentations avec le public, que les gens comprennent ce qu'on a cherché à faire... ils le comprennent de mieux en mieux. Et ils comprennent que ce n'est pas du tout un film sensationnel ou un film putassier, ou crapoteux. On a une porte d'entrée, on a un point de vue qui à mon avis est moralement irréprochable. C'est le point de vue d'un jeune gendarme qui démarre sa vie d'homme, sa vie professionnelle. Il va se marier, il devient gendarme. C'est un gamin zélé, impulsif, idéaliste, qui vient lui-même d'un milieu très fracassé, très mouvementé, ce qu'on comprend très vite dans le film. Et pour lui, devenir gendarme c'est une volonté de contribuer, à son échelle, à l'effort de justice commun. Et très vite il va se confronter au dysfonctionnement et à la corruption. Je pense que c'est en cela que le film devient vraiment intéressant parce qu'on peut tous s'identifier à ce jeune homme en quête de justice et en quête de bien commun.

Films

  • Maldoror

    Belgique,1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste, rejoint l'opération secrète « Maldoror » dédiée à…

    Genre
    Thriller
    Durée
    2H30
    Maldoror

- Maldoror a donc été tourné à Charleroi, avec des carolos. En quoi cela a influencé votre travail ou le récit, peut-être ?

- C'était super important pour moi d'être à Charleroi d'abord, de me perdre dans la ville, de mieux comprendre la ville, d'être au milieu de la ville. Et puis après de faire un casting, ce qu'on appelle un casting sauvage : on a vu beaucoup beaucoup de gens dans les bus, dans les magasins, dans la rue. On a essayé vraiment d'amener les gens à nous pour qu'ils puissent incarner la ville véritablement. Par exemple, il y a une rencontre assez décisive pour moi qui est la rencontre avec la grande communauté sicilienne de Charleroi, qui est très présente au début film. Je voulais en montrer la lumière en fait. Il y a un sens de la solidarité au sein de cette communauté qui est très forte, qui est très humaine. Bon, certes elle partage des valeurs spirituelles communes, mais elle présente quelque chose qui à mon avis est presque... Il fallait opposer les ténèbres dans lesquels on va basculer peu à peu et donc forcément montrer ce Charleroi solidaire, humain, digne me paraissait absolument nécessaire.

- Quels ont été les défis de tourner à Charleroi ?

- C'est toujours la même chose. Il n'y a pas eu de défis particulier, mais il fallait en tout cas que je sois à l'aune de ma responsabilité en tant que citoyen, en tant qu'homme et en tant que cinéaste. Il fallait que je sois à l'aune de cette responsabilité-là parce que je parle de quelque chose qui me dépasse complètement. Je ne parle pas de moi ici, je parle d'une affaire qui concerne tout le monde, je parle d'une population qui est profondément affectée directement par cette affaire, même 30 ans plus tard. Donc il fallait que je sois très attentif, très responsable encore une fois et assez humble dans mon approche, en tout cas de mon approche artistique. Il fallait que je sois juste.

- Vous avez recréé un environnement carolo des années 90, dans un Charleroi des années 2000, quel est votre regard sur l'évolution de la ville ?

Pas terrible. Je pense que la ville est comme gelée dans ses fantômes du passé, que ce soit la sidérurgie ou LA grande affaire. Il suffit de voir dans la ville quand on se balade, il y a des vestiges du passé. Comment voulez-vous que la population avance si tout l'urbanisme nous rappelle des choses qui sont abandonnées, qui nous rappellent des traces, des vestiges du passé ? Alors finalement la maison de Dutroux a été détruite l'année passée, ou il y a deux ans... Mais il a fallu le temps. Bon heureusement cette cave est toujours là, en espérant qu'on va pouvoir un jour en découvrir ses mystères parce qu'il y a beaucoup de traces d'ADN et il ne nécessiterait pas grand chose pour aller plus en avant en fait. Je pense que Charleroi, malgré une volonté politique très forte de faire bouger la ville, tient encore cette image très spécifique, qui est le pire et le meilleur en fait. Voilà. Moi c'est une ville que j'aime beaucoup, très franchement, sincèrement, parce qu'elle est assez unique. Mais j'ai vu des choses assez terribles.

- Est-ce que vous auriez des anecdotes de tournage qui vous reviendrait à nous partager avec notre public ?

Non, je n'ai pas vraiment d'anecdotes parce que bon je ne suis pas vraiment le roi de l'anecdote, mais en tout cas ce que je peux vous dire c'est que pendant toute la production du film, dans tous les décors qu'on a investis, encore une fois, il y a ces fantômes qui sont présents. Par exemple à l'université, où on a tourné la gendarmerie et ses extérieurs, j'ai appris que Dutroux y avait fait des cours de menuiserie. La maison du personnage de Marcel Dedieu, qui représente Marc Dutroux dans le film, c'est une ancienne carrosserie, une casse, que Dutroux fréquentait beaucoup. Il y a beaucoup de choses que j'ai appris, comme si on était suivis par une forme de sorte de fantôme comme ça... Et c'est très bien parce que nous ce qu'on cherche, c'est conjurer le destin, conjurer tout ça en fait. Pour qu'on puisse en parler, qu'on puisse se libérer de ce poids, de cette ornière. Et je sais que ce film ne changera pas la face du monde, mais en tout cas, s'il peut donner un peu de dignité et de fierté à une population qui a particulièrement souffert de cette affaire, j'en serais le plus heureux. C'était vraiment notre objectif.

- Merci Fabrice Du Welz !

- Merci à vous

Entretien mené par Sébastien Capette, responsable de la communication

Photos de l'avant-première de Maldoror (21 janvier 2025)

gallery

  • 241 A5604
  • 241 A5585
  • 241 A5588
  • 241 A5592
  • 241 A5596
  • 241 A5606
  • 241 A5609
  • 241 A5626
  • 241 A5635
  • 241 A5636