La célèbre émission télévisée Striptease célèbre son 40e anniversaire en 2025 ! Pour l'occasion sort un nouveau film, Striptease Intégral, qui rassemble 5 histoires vues à travers un dispositif toujours aussi simple que singulier : pas d'intervention du documentaliste et pas de voix-off mais uniquement une caméra qui capte ces moments de vie touchants. Jean Libon, le créateur de Striptease, et Régine Dubois, co-réalisatrice, sont venus en parler au Quai10.

Rencontre avec Jean Libon

Illu YT Quai10 Jean Libon

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- Jean Libon, bonsoir !

- Bonsoir.

- Striptease, c'est un mot qui résonne fort dans l'oreille des Belges. Depuis bientôt 40 ans, je pense.

- C'est cette année les 40 ans. On a commencé en janvier 85.

- Bon anniversaire du coup ! Après un passage en télé, en Belgique, en France, également un premier passage au cinéma, vous y revenez. Qu'est-ce que vous voulez proposer de neuf avec votre format ?

- On veut rien proposer de neuf. On n'a jamais changé en fait. L'idée qu'on avait au départ, elle restera la même, même maintenant. Alors oui, la technique a un petit peu évolué. Mais le monde a évolué. Donc on suit cette évolution du monde. Les gens ne sont plus maintenant comme ils l'étaient il y a 40 ans. D'ailleurs, quand on revoit les vieux films, on se retrouve dans une espèce d'ethnologie comme ça... Sociologique, je dirais (sic). Mais c'était quand même l'idée de départ quand Marco Lamensch et moi on a pensé à ça dans les années 80. On se disait : un ethnologue ou un sociologue des années 3000 aura tout à sa disposition pour faire l'étude de la fin du 2e millénaire et du début du 3e maintenant. Ils auront tout en main. Si par exemple en littérature ils devraient faire le choix entre Marguerite Duras et le roman noir, ou qu'au cinéma ils devraient faire un choix entre le cinéma italien des années 70-60, ou les comédies françaises ou les films américains, eh bien en télévision, ils auraient tout à leur disposition. Ils devraient prendre simplement Striptease qui est en fait,  sociologiquement parlant, une espèce de peseur d'une comédie humaine, de ce que nous sommes, nous, européens occidentaux, à la fin du deuxième et au début du troisième millénaire. C'est l'idée de départ. Ce qu'on continue à faire maintenant au cinéma, c'est ça. L'écriture est peut-être un peu différente mais je pense que tout ça, c'est du détail.

- Vos codes restent également similaires : pas de voix-off, pas de musique... 

- La bible reste identiquement la même.On n'a jamais voulu changer. On a bien fait de ne pas vouloir changer, parce que d'abord, on se retrouve dans quelque chose que l'on connaît. Les gens, c'est ce qu'ils ont envie de voir et d'entendre. Donc, en fait, ils se retrouvent. C'est un peu comme des vieilles pantoufles dans lesquelles vous mettez vos pieds. Je suis une vieille pantoufle.

- Et ça fonctionne toujours en 2025, pourquoi selon-vous ? 

- Parce qu'il n'y a rien d'autre ! On me disait récemment "quand on regarde Striptease, on a vraiment l'impression qu'on parle de nous, qu'on parle de voisins, de papa, de maman, de fils, du chien. Et que ce n'est pas une histoire de fiction fabriquée dans l'esprit d'un scénariste quelconque." Quand je reprends, par exemple, Poulet Frite, le dernier film qu'on a fait : c'est un polar, un polar noir. Et la pièce à conviction, c'est quand même une frite dans l'estomac de la victime. Si je suis un cinéaste de fiction, que j'écris une séquence où la preuve c'est une frite dans l'estomac. Tout le monde va me dire, "Jean, tu as fumé la moquette ! Ton scénario, il ne vaut rien." Nous, dans "Striptease", on parvient à trouver ce genre de choses qu'aucun scénariste ne pourrait imaginer. Et c'est ça qui est formidable. C'est pour ça que je ne fais pas de fiction d'ailleurs. Chaque fois qu'on fait un sujet de Striptease, je suis moi-même toujours surpris de la réaction des gens et de ce qui se passe devant mes yeux. Et ça, c'est une richesse. C'est beaucoup plus riche que dans un film de fiction. Donc, on continuera ça.

- Puisque vous l'évoquez, vous arrivez à capter des moments très intimes. Je me posais la question, comment vous arrivez à vous immiscer et à vous faire oublier dans ces moments ? 

Ce n'est pas vraiment un problème en fait. Je crois que quand les gens vivent une chose qui est plus importante que notre présence, ça fonctionne tout de suite. Par exemple avec ce couple, que l'on voit dans l'une des séquences de Striptease Intégral, eh bien on fait partie des meubles au bout d'un certain moment de tournage. On fait partie des meubles. Donc voilà, ce n'est vraiment pas un problème.

- Pour parler d'un autre segment de Striptease Intégral, et sans en dévoiler quoi que ce soit, vous présentez l'être humain, littéralement, dans ce qu'il a de plus intime. Cette idée-là, d'où vient-elle ?

- Juste comme ça. En fait, le médecin que l'on peut y voir, on avait déjà tourné avec lui dans Ni juge ni soumise. Et donc Yves, avec qui je travaillais, me disait : "c'est monsieur, là, il faut faire quelque chose avec ce monsieur". Et puis je me dis, bon, faisons la chose de façon extrême. On lui a proposé, il a dit oui tout de suite, on est allés tourner pendant une journée et puis voilà. L'idée vient comme ça. Je n'ai pas réfléchi pendant huit jours en me disant : "qu'est-ce que je fais avec ce monsieur ?" Ça m'est venu comme ça, dans un coin de ma tête. Dans toute l'histoire de Striptease, et il y a à peu près 900 sujets, on a toujours tourné caméra "au poing". Mais sur cetet séquence, nous avons utilisé pour la première fois un pied. Je voulais, sur ce plan, utiliser un pied. J'avais moi-même repéré le plan avant, etc. C'est peut-être un petit "plus en plus" mais, cela dit, dans tous les sujets de Striptease à venir, il n'y aura pas d'autres plans tourné avec un pied.

- Avec l'arrivée des réseaux sociaux, et ce rapport à l'image qui a complètement changé dans la société, pensez-vous que le regard des gens, sur eux-mêmes, ont changé la manière dont on les perçoit ?

- Ça c'est une vraie question à laquelle on a beaucoup réfléchi, mais dont je n'ai pas réponse. Et quelque part, je dirais, je m'en fous. Marc, avec qui j'ai créé Striptease, il m'a dit : "maintenant, avec les réseaux sociaux, il n'y a plus moyen de faire Striptease". Pour moi, les réseaux sociaux, c'est non seulement la fin de la démocratie, mais c'est aussi la fin de l'humanité. Ce n'est pas des réseaux sociaux, c'est des réseaux associaux. Moi, je n'ai rien du tout. Moi, je suis un vieux con. Moi, je n'ai pas de réseaux sociaux, je n'ai pas Facebook, je n'ai rien, je n'ai pas X, je n'ai rien du tout. Et je ne veux pas y être. C'est vraiment une philosophie que je veux garder. Je ne veux pas tomber dans ce piège, parce que pour moi, c'est une espèce d'esclavagisme. Quand je vois tous ces gens du matin au soir, accrochés à ce bazar... même des amoureux ! Quand je vois deux amoureux, l'un à côté de l'autre, et qui regardent leur téléphone, leurs réseaux sociaux... Je n'en veux pas. Je trouve que les réseaux sociaux ont réinventé une forme de nouvel esclavage. Et on s'est quand même battus pendant des années pour contrer l'esclavage ! Je ne vois pas pourquoi les gens, d'une manière délibérée, se mettent dans cette situation d'esclavage... Et je ne vous parle pas des dérives... Non, moi je ne veux pas de ça. Pour parler de l'influenceuse que l'on voit dans la première séquence. Quand on lui a proposé de faire une séquence pour Striptease, elle nous disait d'abord : "ce n'est pas possible, ça doit être mis sur antenne tout de suite !" Elle ne comprenait absolument pas qu'il y avait du travail de repérage, qu'il y avait du travail de tournage, qu'il y avait une équipe et qu'il y avait du montage derrière. Elle disait : "non, non, ça n'existe pas. Ça doit être là tout de suite." Il a fallu attendre la fin du montage pour venir montrer le sujet, pour qu'elle comprenne que ça ne peut pas être disponible tout de suite, qu'il y avait quand même un travail à faire, et qu'il y avait un regard qui était différent du sien, que ce n'était pas un truc pris sur le vif. Son histoire à elle était montée. On racontait une autre histoire que elle, qui se maquille, qui va à la plage, avec son téléphone en main tout le temps. Oui, il y a une réflexion à faire là-dessus. Mais quelque part, je trouve qu'il faut continuer à montrer la base des choses, voir comment est l'être humain. Les réseaux sociaux, pour moi, ça ne montre pas qui est l'être humain. Ça ne montre vraiment que le côté, je dirais, pas positif de l'être humain... Moi, je n'ai pas envie de vivre dans une société comme ça. Absolument pas.

- Dernière question, Jean Libon, qu'est-ce que vous souhaiteriez que les gens ressentent à la sortie de la salle, après avoir regardé votre film ?

- Comme d'habitude, et pour revenir aux réseaux sociaux d'ailleurs : qu'ils s'arrêtent, qu'ils discutent ensemble, qu'ils discutent de ce qu'ils ont vu, qu'ils partagent leur avis. En espérant que leurs avis soient très différents ! Je trouve qu'on est parvenu à ça dans l'histoire de Striptease les gens en discutent entre eux, et retrouvent peut-être une sensibilité, ou une autre manière de voir l'existence, de se voir, de voir son voisin. C'est l'un des buts au départ, que l'on aime ou que l'on n'aime pas. Vous savez, soit je suis le plus grand humaniste qui reste, soit la pire crapule qui existe sur terre. Et c'est très bien que les gens pensent ça de moi ! Ou je suis un héros, ou je suis une salope. Et c'est très bien comme ça. Si tout le monde disait que je suis un héros, ou tout le monde disait que je suis un salaud, je me poserais des questions sur ce qu'on fait.

- Merci Jean-Libon !

- Merci à vous.

Films

  • Strip tease Intégral

    Quarante ans après sa première apparition télévisuelle, Strip Tease sort cinq nouveaux épisodes au cinéma. Une influenceuse vit sa meilleure vie à Dubaï. Une actrice d’une soixantaine d’années donne tout pour jouer son spectacle en…

    Durée
    1H25
    Strip tease integral

Rencontre avec Régine Dubois

Illu YT Quai10 Régine Dubois

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- Régine Dubois, bonsoir !

- Bonsoir !

- Racontez-nous votre implication dans ce projet.

- Moi c'est mon premier Striptease, je n'ai jamais fait ça auparavant. Je viens de la radio, donc c'est vraiment un univers très différent. C'est Jean Libon qui m'a proposé de travailler avec lui et qui m'a demandé si j'avais une idée de sujet. Je connais bien le Festival d'Avignon, j'y vais régulièrement. C'est une idée que j'avais déjà pour la radio en fait. Je m'étais dit que ce serait chouette de faire un reportage sur quelqu'un qui fait son premier Avignon en le suivant du premier au dernier jour. J'ai proposé ça à Jean et ça s'est fait. J'ai trouvé une comédienne qui avait 59 ans au moment du tournage et qui se lançait dans un premier Avignon avec un rêve très grand et beaucoup d'espoirs. Sauf que le Festival d'Avignon c'est parfois aussi un peu le miroir aux alouettes, et que ça ne s'est pas passé comme elle l'espérait vraiment.

- Ça fait partie de ces histoires touchantes que seul Striptease est capable de proposer. Ici on se prend immédiatement d'empathie avec cette comédienne.

- Oui, moi j'ai pas du tout eu envie de me moquer d'elle. Au contraire parce que je sais la difficulté que ça représentait et je sais que c'est... enfin moi je la trouve très courageuse et audacieuse dans ce parcours à Avignon parce que je ne suis pas sûre que tout le monde aurait été au bout. Elle est dans une toute petite salle, tout joue contre elle, en particulier la salle et la technique de la salle. Il n'y a rien qui fonctionne comme ça devrait. Mais malgré tout elle s'accroche, elle a décidé de vivre son rêve donc elle va le vivre jusqu'au bout. J'avais envie de raconter quelque chose comme ça en tout cas. Le sujet ce n'était pas elle et son spectacle, c'était vraiment ce parcours à Avignon. Donc c'est normal qu'on se prenne je pense de sympathie même si parfois il y a des situations assez drôles. Et ça pourrait sourire et faire rire ! D'ailleurs elle a ri beaucoup quand elle a vu le film aussi donc...

- Il y a ce cadre, les codes qu'implique le format Striptease. Comment les avez-vous adoptés, et donc ne pas diriger cette comédienne, de la "laisser faire sa vie" ?

- J'ai eu une très bonne équipe avec moi. Pour l'image c'était Didier Hilderive qui a fait beaucoup beaucoup de Striptease. Pour le son c'était des ingés-son aguerris aussi. Et forcément comme je n'avais jamais fait ça , être entourée de la sorte était indispensable. Donc j'ai fait confiance pour l'image, je me suis appuyé sur ce savoir-faire-là parce que moi je ne l'avais pas. J'avais le son par contre, et ça m'a aidé beaucoup pour savoir ce qui se passait... J'ai l'habitude du montage son, donc ça m'a pas mal aidé pour suivre les choses. Après oui, c'est le principe c'est de laisser faire, de suivre et d'attendre qu'il se passe quelque chose. Évidemment on sait que demain à telle heure elle va tracter et qu'on va la suivre. On sait que le spectacle est à cette heure-là, on sait qu'après le spectacle on va décider d'aller boire un verre et qu'elle va discuter avec son mari qui faisait aussi la régie et que ça on va le filmer. Donc on sait à peu près les moments qu'on va filmer mais il y a plein de moments inattendus, il y a des surprises, des guest-stars - si vous avez vu le film - qui débarquent et voilà, rien de ça rien n'est préparé et on ne peut pas diriger. On doit juste être là et être attentif et savoir ce qui se passe. C'est un drôle d'exercice parce que moi je viens de l'interview, et il y a plein de moments où j'avais envie de poser des questions. Mais tout en me disant : "si je pose la question maintenant elle va le dire, elle va le dire, elle va dire ça ou on va comprendre". Et ça on ne peut pas. Donc c'est aussi apprendre la patience.

- Est-ce qu'il y a une frustration qui est née du coup ?

- Non ce n'est pas une frustration, pas du tout. Au début c'est un peu perturbant mais ce n'est pas une frustration, il faut juste apprendre à faire les choses autrement et à raconter les histoires différemment. Au contraire j'ai appris beaucoup, vraiment.

- De notre côté de l'écran, on se prend d'attachement pour cette comédienne. Est-ce que vous, à la côtoyer de si près, ça a également été le cas ?

- Oui bien sûr. Et je vous avoue que les scènes où elle souffre, on souffrait aussi dans la salle. Moi en tout cas c'était déchirant de voir ce qui se passait et quand ça se passait pas bien, c'était vraiment difficile. Après, chaque réalisateur ou réalisatrice vous dira autre chose mais pour moi oui... Je me suis vraiment attachée à elle, à l'aventure, à son mari aussi qui est là. D'ailleurs on a des contacts encore très réguliers et oui, il y a quelque chose. Moi je ne pense pas que je pourrais passer un mois à suivre, au quotidien, quelqu'un pour qui je n'ai aucune empathie.

- Vous avez appris, finalement, une nouvelle forme de narration à travers ce projet ?

Oui c'est une autre forme de narration. Mais ce n'est même pas que de la narration c'est une autre forme de... Il faut attendre que les choses se passent en fait.

- La patience c'est la clé ?

- Oui, c'est une école de la patience.

- Merci Régine Dubois !

- Merci.

Entretiens menés par Sébastien Capette, responsable de la communication

Photos de l'avant-première de Striptease Intégral du 28 janvier 2025

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