Stefan Liberski : "Je n'ai pas le temps d'être malheureux"
À la fois humoriste, romancier ou encore scénariste, c'est en tant que réalisateur que Stefan Liberski est venu dans la salle Côté Parc pour présenter son dernier film L'art d'être heureux.
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- Stefan Liberksi, bonsoir !
- Bonsoir
- Et bienvenue au Quai10, Côté Parc, où vous êtes venu présenter L'art d'être heureux, votre dernier film adapté librement d'un roman, La dilution de l'artiste, de Jean-Philippe Delhomme. Qu'est-ce qui vous a touché dans ce texte et qu'est-ce que vous avez voulu porter à l'écran ?
- Avant de porter ce texte, je voulais d'abord porter un personnage. Mais cela a démarre de mon amitié avec Benoît Poelvoorde, avec qui j'échange souvent des livres, je parle littérature, beaucoup plus que de cinéma d'ailleurs. Et c'est un texte qu'on a échangé, je ne sais plus très bien qui l'avait lu en premier, mais on s'est échangé le texte et puis, pour nous, le personnage est devenu une sorte de modèle, comme on dit un tartuffe, un arpagon. Pour nous, entre nous, on rigolait souvent avec Machond : "arrête de faire le Machond..., c'est vraiment Machond qui pourrait le dire, des choses comme ça. Donc avant même de faire un film, c'était devenu un running gag entre nous. Et puis c'est Benoît qui a rencontré Jean-Philippe Delhomme et puis il me l'a présenté. C'est au festival de l'intime, je pense, qu'on s'est retrouvé à 3 et qu'on a tout à coup, on s'est dit, au fond, on ferait un film, ce serait peut-être formidable. Alors bien sûr je suis parti du livre, mais je m'en suis beaucoup éloigné parce qu'on sait très bien qu'adapter un livre ne saurait jamais faire un film. On pense que " ah ben il y a déjà le bouquin, alors ça va", mais c'est vraiment toute autre chose.
- Benoît Poelvoorde, Gustave Kervern, François Damien et Camille Cottin ce sont de fort caractères, ça doit être un peu "sport" de tourner avec des personnalités comme celle-là, non ?
- Ah oui, mais c'est très agréable aussi, parce que ce sont des très très grands talents. C'est comme avoir des supers musiciens qui parviennent à faire les bons accords sur la musique. Ces acteurs-là inventent le personnage, d'une certaine manière, ils l'incarne, ça devient vivant. Et ils sont tous très très bien !
- L'art d'être heureux est centré sur le personnage interprété par Benoît Poelvoorde en quête de gloire, du bonheur à travers la peinture...
- Oui, il veut être un grand artiste, mais quelque chose le bloque. Ce sont ses concepts. C'est un peu ça que se raconte, c'est que des concepts, ça peut enfermer, y compris des concepts de soi-même, de raconter sa biographie, d'être vouloir imiter sa biographie alors qu'on n'a pas encore vraiment de biographie. Il y a un petit quelque chose de ça et donc c'est ça qui l'empêche d'être ce qu'il voudrait être, c'est-à-dire un artiste, de faire de l'art mais justement il en est empêché par le concept, par ce qu'il pense de lui, qu'il espère que les autres pensent de lui. C'est aussi un ressort de comédie bien sûr, quelqu'un qui se goure sur lui. Le mec qui se trompe, c'est toujours un peu comique...
- Et le titre en lui-même, il y a évidemment un double sens. Selon vous, est-ce que c'est un art d'être heureux ?
- Schopenhauer a essayé d'en dire quelque chose, il a écrit un recueil de ses aphorismes, qui s'appelle L'art d'être heureux. Est-ce que c'est un art ? Sans doute ! Mais justement, pour aller au coeur du sujet, je crois que... En tout cas, quand on voit Machond évoluer ce qui est souhaitable, je crois, pour l'être, en tout cas, une condition pour l'être, c'est d'oublier, d'oublier soi-même et oublier tous les concepts qu'on a de soi-même. Ce qui va à l'encontre de tout coaching personnel qu'on entend aujourd'hui, qui indique toujours qu'il faut être soi-même. Mais être soi-même, souvent, c'est se conformer à un groupe, à une communauté. Voilà, on mettra un petit point, on met en tant que femme, en tant que jeune, en tant que trans, en tant que... Alors c'est une injonction pour être soi-même. Voilà, je pense ça, et peut-être que ça arrive à Machond.
- Et vous, Stefan Liberski, qui êtes-vous ? Est-ce que vous êtes heureux dans l'art que vous portez auprès du public ? Vous êtes romancier, écrivain, vous avez fait de l'humour également avec les Snuls, vous êtes donc réalisateur, vous êtes vraiment un touche à tout. Comment vous définir, s'il le fallait ?
- Je sais pas de me définir, hein. Je pense que justement, quand on commence à se définir, ben justement, on rentre dans le machinisme, et on devient un machin de... je crois que c'est ça aussi qui fait que... Je pense pas trop à tout ça. J'ai quelque chose avec l'écriture, c'est clair. Je ne pouvais pas ne pas écrire. j'ai quelque chose aussi avec la réalisation. J'aime beaucoup être seul à la table et avec un texte à écrire, avec des mots, et puis j'aime beaucoup aussi le travail en équipe. J'aime beaucoup ça, il y a, je trouve qu'il y a une énergie incroyable, quand ça se passe bien, c'est tellement fort, et je ne pourrais pas me passer de l'un et de l'autre, parce qu'en réalité, quand on dit toutes les différentes activités auxquelles je me suis consacré, c'est toujours l'un ou l'autre, en fait, c'est où à la table, le travail seul ou avec des autres, et j'ai besoin des deux, visiblement. Et voilà, je crois que... mais c'est pas quelque chose qu'elle je pense. Ça se fait naturellement, ça m'arrive comme ça. Il y a quelque chose de l'ordre de l'oubli, justement, de soi. Je n'ai pas le temps d'être malheureux, en tout cas, peut-être, que c'est ça d'être heureux, c'est pas avoir le temps d'être malheureux.
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- Pour revenir à ce terreau qui vous a nourri dans l'écriture de L'art d'être heureux, travailler sur base d'un récit déjà existant, d'idées déjà existantes, et le transposer au cinéma, est-ce que c'est un exercice que vous préférez ou alors, ce qui vous semble plus facile de partir de rien ?
- J'ai fait les deux, mais pour le dire en toute honnêteté, quand on cherche des financements, s'il y a déjà un texte écrit, c'est plus facile, parce qu'on dit : "voilà, l'idée c'est d'adapter ça". Alors les gens le lisent et se disent que ça peut peut-être faire un film. Bon allez, c'est une boutade, ce que je dis. C'est chaque fois des aventures différentes. Là, je vous ai un peu exposé ce qui est arrivé avec Benoît Poelvoorde et sa lecture du roman de Jean-Philippe Delhomme, et puis il y a eu Ni d'Eve, ni d'Adam d'Amélie Nothomb, qui est aussi une amie, et j'ai en plus un tropisme japonais... Donc là aussi, c'était une coïncidence d'éléments, des heureux hasards.
- Eh bien "heureux", ce sera le mot de la fin. On vous souhaite d'être heureux encore, Stefan Liberski, et de rendre le public heureux ici, mais également ailleurs. Merci.
- Merci à vous !
Entretien mené par Sébastien, responsable de la communication