The Zone of Interest nous montre le quotidien à première vue ordinaire du commandant Rudolf Höss et sa famille. Vivant à proximité directe d’un camp à Auschwitz, l’homme est en réalité l’instigateur des idées menant à la réalisation des projets les plus sombres du siècle passé.

Dans son film, Jonathan Glazer nous présente ce que je considèrerai presque comme étant un « slice of life » d’une famille allemande des plus banales et soumise aux aléas du métier d’un homme. Une grande maison, une famille nombreuse qui en profite tout en se baignant dans la piscine du jardin, c’est la vie de rêve que nous observons avec Rudolf lorsqu’il se promène dans son potager. Toutefois, cette vie se trouve accolée au mur barbelé d’un camp accueillant quotidiennement des milliers de personnes qui n’en sortiront jamais. Et cet accueil a été élaboré par le commandant Höss, ce même homme qui vit avec son épouse Hedwig et le reste de sa famille dans une maison presque utopique pourtant au milieu de la « zone d’intérêt ». Ce nom m’était inconnu et il se trouve être la désignation employée par les officiers SS pour parler de la zone de 40 kilomètres regroupant les camps d’Auschwitz. Le film nous fait vite comprendre que cette bâtisse est en réalité la demeure de l’incarnation de la mort trônant sur une montagne de cadavre dont il en est le générateur.

Vacillant entre plans picturaux et métaphores oniriques, le réalisateur n’a de cesse de nous faire ressentir les horreurs à travers des représentations en hors-champ, nous forçant à nous répugner des évènements mais également des réactions humaines telles que celles de Hedwig. Ce personnage m’écœurait autant dans son comportement que lors de l’expression de son ressenti et ses envies à travers le film. Outre ces moments de dégoûts exprimés, ce sont des scènes de contraste qui s’enchainent entre la vie de famille et la machine infernale qui opère en arrière-plan. Le tout est orchestré par un travail sur l’image et des enchainements de plans qui reflètent la froideur constante des évènements qui se déroulent en arrière-plan et une déshumanité inconsciente des intervenants. Avec une bande sonore presque absente mais angoissante, le théâtre de la mort dont nous nous rendons témoins n’a de cesse de nous plonger dans son décor en nous proposant une ambiance presque palpable à travers le long métrage.

Il en résulte une œuvre nous rappelant sans cesse notre devoir de mémoire qui se doit d’être imprégné auprès de chacun mais également à travers l’humanité pour ne pas répéter les erreurs du passé. L’importance de ce devoir reste et restera capital à travers les âges pour que l’Histoire ne se répète et puisse éviter de tels chemins dans le présent mais également dans le futur. Le réalisateur est la première personne qui s’imprègne de son devoir et nous le rappelle en exprimant son talent ainsi que celui des acteurs et actrices telle que Sandra Hüller, déjà impressionnante dans Anatomie d’une chute.

Pour ceux et celles qui auraient lu le livre éponyme de Martin Amis duquel le film serait inspiré, le long métrage se tourne davantage vers une manifestation plus sérieuse et moins grotesque que la proposition du texte. Ici nous observons un Rudolf Höss (incarné par Christian Friedel) plus sérieux, humanisé et calculateur que je comparerai plutôt à Rudolf Lang (contraction entre Rudolf Höss et Franz Lang) dans La mort est mon métier de l’écrivain Robert Merle. Cette dernière m’avait marqué lors de ma lecture il y a une dizaine d’années et ce film permet de mettre des images sur certains moments sombres du livre.

C’est donc une réalisation unique et fort marquante que j’ai eu l’occasion de découvrir et que je vous conseil en retour. Lorsque le film s’est terminé, un sentiment de soif de connaissance s’est rajouté à mon impression de dégoût qui me restait encore au travers de la gorge. En plus d’être une œuvre complète sur ce qu’elle raconte, elle donne envie d’en apprendre davantage concernant le passé et le futur des personnages mais également de tous les évènements qui y sont liés. The Zone of Interest est une fiction que je vous recommande pour découvrir ou redécouvrir ce que pouvaient ressentir et vivre les instigateurs d’évènements aussi horribles que la Shoah.

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